Inspirations autour des interactions au travail

Depuis plus de 15 ans que j’interviens dans des organisations, certaines phrases reviennent régulièrement. L’une d’elles a refait surface récemment, lors d’une réunion de CODIR : « Ce n’est pas le bon moment ».
Ma réaction ? Une valse à 3 temps : surprise, incompréhension, et besoin de clarification. Pas le bon moment !? Pourtant, j’avais bien été invitée à cette réunion !? Ce n’était pas un hasard ! De plus, les échanges révélaient de vrais sujets : des relations qui se dégradent, des tensions palpables, et des impacts visibles sur l’activité et les résultats. Est-ce vraiment pas le bon moment ?
Qu'en apprendre ? Voici 4 réflexions que je souhaite partager de mon point de vue d'intervenante en organisation et équipe :
1. Si ce n'est "pas le bon moment", explicitez-le
D'expérience, il est toujours bien de vérifier ce que quelqu'un veut dire. Car au-delà des mots, il y a des intentions et des besoins qui restent parfois implicites. Dans ma situation avec le CODIR, il est donc intéressant d'explorer la chose.
Pourquoi ce n’est pas le bon moment ? Et pas le bon moment pour faire quoi ? Que met-on derrière ce "quoi" ? Est-ce un consensus ? Ou une perception individuelle ?
Les réponses dévoilent souvent les nœuds du problème : "C'est pas le bon moment car ... :
- cela va prendre trop de temps;
- on n'a pas le budget,
- on a d'autres urgences,
- c'est presque les vacances,
- peut être le problème va se résoudre tout seul,
- cela ne changera pas de toute façon."
Échanger sur les perspectives que partagent les uns et les autres sur la situation ET sur les solutions possibles permet d'aller au-delà du débat d'arguments (du simple "oui mais"). Cela permet de prendre des décisions éclairées.
2. L'importance de cohérence dans l'action des dirigeants
Une intervention -quel que soit- n’aura pas de sens pour les équipes si elle n’en a pas d'abord pour leurs dirigeants. Lorsque les dirigeants sont cohérents dans leurs actions et leurs décisions, cela amène de la confiance. Un leadership aligné est fondamental.
Avant de décider d'agir ou de ne pas agir, il est essentiel de prendre le temps d'échanger. Et ce sous toutes les coutures. Est-ce un problème d’énergie, de ressources ou de timing ? Qu’est-ce qui freine l’action ?
Ce qui peut faciliter cette cohérence, c'est la vigilance apportée à :
- Clarifier les objectifs;
- Éviter les messages contradictoires qui perturbent la dynamique collective;
- Itérer dans l'identification des angles morts (cf. article précédent sur ce sujet).
3. Proactif ou réactif : agir au bon moment
Prévenir est toujours mieux que guérir. C'est valable pour tout, et aussi sur les questions du travailler ensemble. Intervenir de manière proactive, c’est agir avant qu’il ne soit trop tard. Avant que les tensions ne deviennent des crises, et cela permet d’éviter des blocages coûteux (tant pour les personnes que pour les résultats).
Les études de Wilfred Bion ont démontre que les groupes, lorsqu’ils évitent de confronter leurs tensions, tombent dans des comportements improductifs (dépendance excessive, confrontation ou évitement). Plus on attend, plus ces dynamiques s’ancrent et deviennent coûteuses à résoudre.
Pour autant, cela ne signifie pas qu’il faille intervenir à tout moment sans réflexion. Il s’agit plutôt de calibrer l’action en fonction des besoins réels du groupe et de son contexte.
4. Agir, c’est savoir s’adapter
Une intervention efficace ne nécessite pas toujours des moyens colossaux. Il ne s’agit pas de "tirer avec un canon sur une mouche", mais de calibrer l’action avec justesse.
Ce premier pas amorce souvent une dynamique positive, en posant les bases d’une évolution continue. Parfois, une simple conversation bien orientée suffit. Une mise en perspective peut déjà créer un déclic, et faire bouger les lignes.
Car pour avancer, il faut se mettre en mouvement. Un petit pas aujourd’hui peut éviter de grands blocages demain. Ce qui compte, ce n’est pas forcément de déployer des solutions complexes, mais d’agir avec pertinence et intention.
En conclusion : entretenez votre collectif, comme un jardin ou une voiture.
Un collectif de travail, tout comme un jardin ou une voiture, nécessite un entretien régulier. Attendre le "bon moment" est risqué. Les tensions s’aggravent, les dynamiques dysfonctionnelles s’ancrent, et résoudre ces problèmes coûte bien plus cher que d’agir dès les premiers signes.
Bref, pour moi, c’est toujours le bon moment d’investir dans un collectif de qualité !
Et vous, que faites-vous aujourd’hui pour prendre soin de votre collectif ?
par Liesbeth Van Criekingen, fondatrice d'InterAEkt
Novembre 2024
